Avril

Ce soir il pleut
Y’a de l’eau dans les poches de mon veston
Pas la peine de paniquer
J’plonge la main et mes doigts nagent en rond
Entre mes pièces et mes clefs
Et j’ai le mal de mer
Mais j’ai l’esprit tranquille
Comme celui d’un gars qui se moque de face comme de pile
Ce soir il pleut mais j’m’en fous
Dans ma tête il fait beau

J’ai sauté au beau milieu d’une flaque
Pas la peine de s’énerver
J’suis trop vieux pour qu’on colle une claque
Puis mes bottes sont même pas cirées
Et les pieds dans la boue
Je tape des talons
Pour noyer mes chevilles jusqu’à l’ourlet de mon pantalon
Ce soir il pleut mais j’m’en fous
Dans ma tête il fait beau

Ce soir il pleut sur ma tête où dessous mon chapeau des illusions s’animent
Des allé-retours de fêtes des montées de sang chaud ou des valses sanguines
Le sourire d’un inconnu qui passe
Et en rêve sa femme qui m’embrasse
Et je poursuis ma route
Sur ce chemin mouillé
Comme si je pouvais d’avril voir le mois de mai
Ce soir il pleut mais j’m’en fous
Dans ma tête il fait beau


 

La Bicyclette Jaune


La sacoche en bandoulière
Comme un gardien de zoo
Je nourris des rues entières
Les gueules de mon troupeau
Bouches d’acier bouches de fer
Mandibules de tous formats
Dans vos clapets entre-ouverts
Je vide mon cabas

Sur ma bicyclette jaune
Toutes les matinées
Je visite cette faune
Ces maisons affamées
Distribue selon le cas
Qu’elles soient de nature vorace
Ou aient un petit estomac
Le cont’nu de ma besace

Faut jamais laisser les doigts
Près des pinces du scorpion
Ni montrer qu’on a les fois
Devant les crocs du lion
Faut pas confondre la cigogne
Et le héron cendré
Ou l’escargot de Bourgogne
Avec le petit gris de Vendée

J’ai posé sur la langue d’une
Grenouille de bénitier
La carte d’un poisson lune
Voulant devenir curé
Les oies se sont envolées
Vers les terres australes
J’ai dû confier leur courrier
A l’aéropostale


Si je pète un rayon
Si j’explose une jante
En sautant une bordure
Ou pire si je me plante
Je lacherais le guidon
Et userais mes chaussures
En tatouant sur mon front
Je suis postier et j’assure


A la fin de ma tournée
Je rejoins la boutique

La confrérie fatiguée
Des facteurs zoologiques
J’entends mes mollets de coq
Me chanter la complainte
Quelques mots sans équivoque
D’un baudet qu’on éreinte

Et si demain épuisé
Je me fais porter pâle
Je serais remplacé
Par un autre animal
Car finalement que ce soit
Lui ou moi c’est pareil
Alors autant que ce soit
Moi qui baille aux corneilles


Vapeurs rosées

Quelques vapeurs de rosées dans la tête
Trois cents kilos de sable dans les chaussettes
Et aux lèvres un sourire charmant
J’aimerais bien abriter du soleil
Laisser le vent errer entre mes orteils
Quand je sombrerai un moment
Dans les bras d’une nymphe aux cheveux flous
D’où s’écoulerait jusque sur son cou
Le nectar que l’on boit là bas
Au pays où l’on récolte aux fontaines
Le jus des raisins des vignes sereines
Qui s’étendent au loin là bas

Quelques vapeurs de rosées dans la tête
Les lunettes de soleil devant les mirettes
Je regarde par le toit ouvrant
Le feuillage vert pâle qui défile
Et couvrent les nuages de rayures fragiles
Et les découvrent de temps en temps
J’aimerais bien sur ces lignes perdues
Ecrire les notes d’une mélodie tordue
D’une chanson que l’on chante là bas
Quand les verres se cognent pour couvrir un peu
Les chanteurs vermeils aux vers licencieux
Que l’on entend parfois là bas

Plus de vapeur de rosée dans la tête
Plus de kilo de sable dans les chaussettes
Mais quand même un sourire charmant
J’ai touché de plein fouet les branches tordues
D’un platane tombé au milieu de la rue
J’aurais du prendre le volant
Et en frêle conscience j’aurais pu choisir
Au bord de la route le tronc pour mourir
Et continuer plus loin là bas
Au pays où l’on récolte aux fontaines
L’eau salée des larmes des vivants en peine
Que l’on a laissé loin là bas


Le Dandy

 

Comme un dandy
Dans mes chaussures à trous
Le verre à la main
Le nœud papillon sur le cou
Je regarde sur le parquet
Les virevoltes généreuses
De mes collègues accompagnés
De leurs partenaires fiévreuses

Voudriez-vous, cher monsieur
M’accorder la prochaine danse
En quelques tours nous pourrions mieux
Si vous l’voulez faire connaissance

J’suis bien trop vieux
Pour ces acrobaties frivoles
J’préfère siroter un ou deux
Martini blanc sans alcool

Comme un dandy
Dans mes chaussures à trous
Le verre à la main
Le derrière vissé sur un clou
Je tapote sur le parquet
En alternant l’un après l’autre
Les contretemps de mon soulier
Et parfois les temps de l’autre

Voudriez-vous, cher monsieur
Me montrer les pas d’une danse
Dans laquelle nous pourrions le mieux
En se serrant, faire connaissance

J’l’ai plus dans l’sang
La musique au bout des grolles
J’devrais p’t-être stopper un moment
L’martini blanc sans alcool

J’dansais la polka piquée
J’valsais la valse enivrante
J’rockais le rock endiablé
Et les passos dev’naient tourmente
Je récoltais pas après pas
Les tickets de mes cavalières
Quelques centimes à chaque fois
Et quelques baisers pour salaire

Comme un dandy
Dans mes chaussures à trous
La canne à la main
Le nœud papillon sur le cou
Quand quelques fois je me hasarde
A faire glisser une semelle
Ma réputation se lézarde
Comme ma jeunesse éternelle

Voudriez-vous, cher monsieur
M’accorder les prochaines danses
Et aussi longtemps qu’il se peut
Faire toute la vie connaissance

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La vie c'est trop dur

La vie c'est trop dur
y'en a marre de regarder passer
le tic tac d'une montre bien réglée
la vie c'est trop dur
j'aimerais bien le bloquer un peu
sacré bon sang et sacré non bleu
m'assoir sur la grande aiguille
ou la trotteuse
pour déglinguer le mécanisme
de la faucheuse

La vie c'est trop dur
y'en a marre de regarder certains
creuser des fosses dans les coins de mon jardin

la vie c'est trop dur
faudrait pouvoir dire ça suffit
fini la pioche plus de pique aujourd'hui
s'assoir sur une vieille dalle
éternelle
et jouir du mouvement immobile
perpétuel


La vie c'est trop dur
si l'on m'avait dit que gardien
de cimetière c'était pas le boulot à faire
vrai je vous l'assure
j'aurais cravaché un peu plus
quand je n'étais qu'un tout petit minus
et au concours de gardien chef
j'aurais pu même
ne pas faillir dans l'orthographe
de chrysanthème

La vie c'est trop dur
quand arrive avec la toussaint
les potées les bouquets et leurs parfums
je vous dis pas l'air pur
il n'y'a plus un centimètre cube
de mes poumons à mon nez qui s'enrûbe
je suis allergique aux glaïeuls
aux pomponnettes
je préfère cent vingt fois le tilleul
et la chanvrette

Dans mon métier pas de temps mort
ni de place pour les fainéants
faut arpenter d'un oeil retors
toutes les allées et les rangs

La vie c'est trop dur
j'aurais mieux fait d'être rentier
ou curé chanteur ou père au foyer
d'lautre côté du mur
j'aurais pu découvrir le monde
les sourires chanter auprès de ma blonde

j'en aurais profité au moins
dans mes prières
pour prendre le temps d'penser aux miens dans les cim'tières

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Robinson

Les pieds rivés à dix heures dix
Et le bras droit le long du corps
J’attends raide comme la justice
Dans mon costume de cador
Je sers les verres au grand café
Du coin de la belle avenue
Le coude appuyé au comptoir
J’attends à toutes heures la venue
D’un client perdu par hasard

J’imagine sous une ombrelle
Une charmante dame tirée
A quatre épingles au bras d’un bel
Et fringant homme bien aimé
Je l’imagine sous son chapeau
Tout en me commandant deux verres
Servir à sa belle les mots
Les plus exquis de la terre

Aujourd’hui nous sommes lundi
Demain mardi puis mercredi
Et le meilleur après jeudi
Je suis sur que c’est vendredi

Les pieds au bout de mes guiboles
La main gauche au-dessus des yeux
Je scrute en large parabole
La bande blanche bordée de bleu
Je suis Robinson Crusoé
Serveur d’un café virtuel
Je fais de ma vie une fable
Je fais de ma vie une belle
Et longue attente interminable

 

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La Pause Café

Marchant sur le fil du rasoir
Les pieds sur le bord du trottoir
Je fixais dans le paysage
En point de fuite une image
Mon balai à l’horizontale
Coupait ma longitudinale
J’avançais d’un pas décidé
Quelques minutes en matinée
J’étais devenu funambule
Inutile bienheureux crédule

Balayer balayer balayer
Balayer toute la journée
Balayer balayer balayer
Frotter lustrer caresser
En attendant la pause café

Rêvant d’être porté aux nues
D’être un jour héros de la rue
Je balayais à tour de bras
Quand vint un livreur de pizza
Alors je pris comme un estoc
La pointe de mon arme en toc
Et dans un combat sanguinaire
J'ai pris le meilleur sur le scooter
Inutile bienheureux encore
J’étais devenu toréador

Balayer balayer balayer
Balayer toute la journée
Balayer balayer balayer
Frotter lustrer caresser
En attendant la pause café

Quelques fois sans comprendre
On pourrait me surprendre
Quand j’imite le déhanché
De mon idole Elvis Presley
En chantant pour plaire à ma mère
Trois mesures d’un tango sommaire

Posé au bord du caniveau
En trois quatre plis un bateau
De papier va prendre le large
En suivant le long de la marge
De la pointe de la chaussure
Je lui souffle dans la mature
Le vaisseau plonge dans la tourmente
Mais pris dans une déferlante
Inutile malheureuse rescousse
Je ne suis qu’un marin d’eau douce

Balayer balayer balayer
Balayer toute la journée

Balayer balayer balayer
Frotter lustrer caresser
En attendant la pause café

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Tête en l’air

Tête en l’air
Regardant pendre au bout d’un fil
La première étoile du ciel
Elle aurait voulu entre mille
S’accrocher juste à côté d’elle

Serait-ce contre nature
De prendre ainsi la liberté
De s’imaginer au futur
Pendouillant dans la voie lactée

Ames sensibles ne tremblez pas
Elle ne craint pas le vertige
Car déjà dans les airs d’en bas
Elle est un as de la voltige

Serait-ce en vue
Un beau matin
D’un hypothétique chagrin
Qu’elle aimerait un de ces soirs
Briller comme elle dans le noir

Araignée du soir espoir
D’araignée du soir.

 

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La mite

Une soirée d’été
Dessous un réverbère
Une mite rêvait
En regardant la lune
Ses ailes battant la
Mélancolie amère
D’un amour impossible
D’une horrible infortune

Comme fondait Icare
Devant l’astre du jour
Elle se remémorait
Une ancienne aventure
Qui l’avait expédiée
En voyage au long cours
Volant du bout du monde
A la côte d’azur

De bosquets en forêts
De rochers en montagnes
Cherchant un promontoire
Pour y cueillir sa belle
Elle s’était envolée
Pour longtemps en campagne
Quand sa quête aboutie
Juste en dessous du ciel

C’est donc d’un séquoia
Qu’une veille de nuit noire
Le papillon de nuit
S’empara de la lune
La cachant sous son aile
Privant sans le vouloir
Tout le reste du monde
D’une telle fortune

L’absence de la lune
Causant dans les chaumières
Juste à ce moment là
Un étrange tourment
Le lendemain la mite
Reposa sans manière
Dans un coin de la nuit
Un tout petit croissant

Ainsi soirs après soirs
Sans qu’on ne la confonde
Elle comble tristement
Un à un les quartiers
Mais ne peut s’empêcher
Lorsqu’elle est belle et ronde
De voler à nouveau
Ce qu’elle a reposé

C’est d’un vieux mythomane
Que me vient cette histoire
Allumeur de lanternes
Un videurs de vessies
Qui pensait tout connaître
Et croyait tout savoir
Sans s’imaginer que
Les mites mentent aussi


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Le Saule Pleureur

Sous l'assaut répété d'une brise
c'est d'un va et vient détendu
qu'il caressait avec maîtrise
la surface lisse étendue

comme une main qui frôlerait la peau
du bout des doigts du bout des ongles
les pas d'un chat sur un piano
ou les yeux d'un jongleur qui jongle
un saule un saule aux bras qui pleurent
laissait partir une rivière
vers d'autres affluents majeurs
puis vers un fleuve
puis vers la mer

des goûtes de soleil
ruisselaient de ses feuilles
venues du bout des branches
perlant d'uniques yeux
tel des cyclopes tristes
ne sachant faire le deuil
d'un enfant qui s'en va
vivre en de nouveaux lieux

quelques coups de ciseaux tranchant
Serait une idée charitable
pour soulager finalement
ces déchirements interminables

tant et si mal qu'en élaguant trop court
en ignorant que pour si peu

l’on puisse exposer au plein jour
brutalement la source les yeux
le soleil sècherait ses pleurs
puis assècherait la rivière
et les autres affluents majeurs
et puis le fleuve
et puis la mer

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La femme du Bûcheron aux mains salles

Etendu sous un arbre en feuille
Je patiente nonchalamment
Attendant qu’une idée ne veuille
Agité par je n’sais quel vent
M’arracher à ma léthargie

Faudrait-il que même ici
A l’ombre d’un marronnier vert
Je ne puisse penser sans souci
Au plaisir de ne rien faire

C’est par une brise légère
Dégringolant sur le feuillage
Qu’une apparition passagère
Se faufila dans les branchages

Une lueur scintillante
Une fée ou une sorcière
Se montra là des plus charmantes
Stationnant face à mes paupières

La fée clochette puisque c’est son
Nom véritable me dit enfin
Suis-moi ensemble nous irons
Voir passer à l’ombre d’un pin
La femme d’un bûcheron aux mains salles

Belle comme une déesse
Elle précède d’une encablure
Son mari qui jamais ne cesse
D’abattre dame nature

C’est elle qui désigne toujours
Quel arbre courbera la cime
Et aujourd’hui sur mon parcours
Mon marronnier fut la victime

Je découvris à cette heure
Que l’arbre qui me protégeait
Avait de toute sa auteur
De multiples faces cachées.

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La chevauchée des trois mousquetaires

Habillé en trois mousquetaires
Je chevauche le ventre à terre
Sur le filin de l’horizon
Mes cheveux dans l’averse fine
Fouettent le flan et la poitrine
De mon destrier Zébulon

Je galope je vous l’assure
Non pour le grand prix de Vincennes
Ou tenter d’attraper l’azur mais
Pour sauver l’honneur d’une reine

Je suis D’Artagnan,
Athos, Portos et Aramis
Je suis fier comme Artaban
Sa grand-mère et son petit-fils
Et pourtant je l’avoue parfois
Quand je n’ai plus assez de mains
Je hurle d’une seule voix
Un pour tous et tous pour un

Habillé en trois mousquetaires
Je navigue vers l’Angleterre
Sur le filin de l’horizon
Je dois trouver à Buckingham
Un tas de cailloux de bonnes femmes
Les pierres du cocu Louison
Dissimulez les m’on-t-il dit
De part et d’autre de la manche
Et si vous croisez Milady
Gare elle occit même le dimanche

Mais qu’elle vienne la bougresse
Elle tâtera de mon espadon
Comme jadis l’eût dit sans faiblesse
Zorro
Surgissant du fin fond de la nuit
Ou d’entre deux jours
A moins que ce soit Cyrano
Face à un de ces gens de cour

Je suis D’Artagnan,
Athos, Portos et Aramis
Je suis fier comme Artaban
Sa grand-mère et son petit-fils
Et pourtant je l’avoue parfois
Quand je n’ai plus assez de mains
Je hurle d’une seule voix
Un pour tous et tous pour un

Habillé en trois mousquetaires
Je classe des ferrets l’affaire
En m’éloignant de l’horizon
Ce soir la reine ensapinée
Dansera de ses pierres ornée
Au bal du cocu Louison
Et sous la plume d’Alexandre
Pour les générations futures
Des mois de janvier à décembre
J’irais vers d’autres aventures
Je serais D’Artagnan,
Athos, Portos et Aramis
Je serai fier comme Artaban
Sa grand-mère et son petit-fils
Et pourtant je l’avoue parfois
Quand je n’aurai plus assez de mains
Je hurlerai d’une seule voix
Un pour tous et tous pour un

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Le trou de la serrure

Je me suis coincé un beau jour
L’œil dans le trou de la serrure
Pour voir traverser dans la cour
Un de ces beaux bœufs au pas sûr
Pourrais-tu me donner un œil
Lui demandai-je aussitôt
Pour pouvoir voir du ciel au seuil
Le tout sans me voûter le dos
Mais l’animal a déguerpi
Effrayé par l’affreux destin
En me hurlant avec mépris
Que l’on ne lui prendrait plus rien

Sache que je n’oublierai
Pas sans quelle habileté
Tu me refusas ton secours
Quand tu traversas d’un pas lourd
L’étendue que tu pouvais voir
Même d’un œil un dans le noir

Sur une boite d’allumettes
Un crapaud suivait de très près
Le bœuf qui dans cette courette

N’avait pas daigné s’arrêter
Que fais-tu donc si bas perché
Lui demandai-je aussitôt
Est-ce pour paraître sans forcer
Déjà au moins deux fois plus gros
Exact m’a-t-il répondu
Et puisque moi je suis entier
Je te donne bien volontiers
Une bonne moitié de ma vue

Sache que je n’aurais de cesse

De penser à ta gentillesse
Quand tu proposas sans détour
Un de tes trop petits yeux pour
L’étendue qu’à dix yeux de plus
Tu n’aurais pas mieux aperçue

Redressé depuis un moment
Je recherchais avidement
La solution qui m’aiderait
Pour que tôt ou tard fasciné
Je puisse voir passer dans la cour

Ma douce amie mon amour
En attendant qu’elle ne veuille
S’arrêter juste sur mon seuil
Là je la verrai de plus près
Même sans l’œil d’un bovidé
Là je la verrai belle et bien
Même sans l’œil d’un batracien

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Les passereaux

Je suis les fientes argentée
Sous des morceaux de cercle en ciel
Où des passereaux alignés
Gazouillent quelques phrases partielles

Des tious tious par-ci aux cuis par-là
Elles fredonnent comme pour nous dire
Que si elles se sont posées là
Ce n’est pas que pour repartir

Curieux langage volubile d’hirondelle
Puisqu’elles sont des
Volatils posés sur un fil
Tendu entre deux abonnés

Je suis les fientes argentées
Sous un morceau de cercle en ciel
Où chante d’un ton saccadé
Une irresponsable hirondelle

Comme ses semblables congénères
Elle paraît soudain seul au monde
En entonnant un curieux air
Extrait d’une partition d’ondes

C’est dans un morse volatile
Qu’elle traduit toutes les données
Qui passe un instant par un fil
Tendu entre deux abonnés

Elle traduit pour passer le temps
Les jours de la fin de l’été
Téléphonez donc au printemps
Vos secrets seront bien gardés

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Y’a d’l’abus

(Les Belles Lurettes)

 

Hurluberlu et chevelu,tout vu, tout lu tout entendu
Lulu croit qu’il a la berlue quand il l’a vue…
Lnérable lola, incroyable Lulu

Ses, roploplos sont raplapla,
C’est` pas Gloria. c'es, pas Lolo, C’es pas Gina, mais c’est Lola
Lola qu’a juste de l’eau qui sort de là
Lola, oh la la.

Lulu, y’a d’l’abus, y’a d’l’abus
Y’a d’la buée sur les carreaux de tes lulu,
Y’a d’l’abus, y’a’d’la buée sur tes hublots

T'en a tant vu, tant entendu,
t'as des hallus, t'as déjà lu,
et des jaloux t'ont jeté là…llée des Lilas,
Lola, ose, aboie.

Lulu t’es l’élue de Lola, mais t’es hors la foi,
Il faut que tu mettes les voiles… là

Lola qui râle

Lola lassée délia les liens
Qui l’enlaçaient à son Lulu
Et delaya des lune de ciel, mon mari…
…dicule qui tue.
Lulu t’es plus l’élu.

T’es trop têtu et tu t’es tu
Et puis t’as bu et t’as rebu
Ta tête c’est tue et t’as plus rien vu
De Lola…llée des lilas, Lola, ho la la !


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Sandales en plastique à la main

 

Sandales en plastique à la main
J’arpente le chemin de ronde
D’un château de sable pour nain
Aux douves emplies d’écume blonde

Arrière à la marée
C’est ainsi qu’il faut lui parler
Mais la mer ne l’écoute pas
Une vague venue des abysses
Emporte jusqu'à son trépas
Le trop éphémère édifice

Poings sérés et le nez au vent
Je traverse dans la largeur
Une plage pour pieds de géants
Vers ce rivage ravageur

Arrière à la marée
C’est ainsi qu’il faut lui parler
Je vais lui montrer de ce pas
De quel bois ma colère s’attise
Quand elle emporte en sont trépas
Ces murailles ma convoitise

Elle est étendue sur son lit
A peine plus agitée qu’hier
Elle ondule en simple roulis
Entre la France et l’Angleterre

Sandales en plastique à la main

J’arpente le chemin de ronde
D’un château de sable pour nain
Aux douves emplies d’écume blonde

Arrière à la marée
C’est ainsi que je lui parlait
Mais aujourd’hui je ne dis plus rien
Tous les jours je donne aux abysses
Des châteaux de sable pour nains
de trop éphémères édifices

(Haut de page)

 



Sur mon socle de pierre

 

Le soleil s’étire déjà
Il baille et gonfle la poitrine
S’apercevant sans embarras
Que le monde vit et butine

Et alors sur mon socle de pierre
Je le regarde en souriant
Le bras tendu paume déployée
Je retiens posée sur mes doigts
Des gouttes de rosée givrée
Qui s’agrippent en s’aidant du froid

Mais je suis seule et je m’ennuie
Entassé comme du pain d’épice
J’imagine Bruxelles la nuit
Réincarné en Manneken’Piss

Et alors sur mon socle de pierre
Pour vous je tendrai les deux bras
Je serai là petit mais grand
Rigolant en joignant les mains
Pissant de dos ou face au vent
Cela dépendra d’où il vient

Le soleil referme ses bras
Et se cache derrière son ombre
Ce soir il illumine tout bas
L’enfant de la nuit
La pénombre

Et alors sur mon socle de pierre

Je rêve et me laisse bercer
Caressé par un léger vent
Tout simplement j’aimerais bien
Qu’un rouge-gorge indifférent
Vienne se poser sur ma main

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Le nez

 

La nature est vraiment horrible
Car elle frappe les innocents
Quand Dédé fut un jour la cible
D’un fléau des plus désarmants
Il ne comprenait pas pourquoi
Alors rien n’apparaissait
Sa face affriolait ses doigt
Pour gratter son nez qui grattait

Il fit le tour des spécialistes
Jugeant la gêne trop accablante
Ils lui donnèrent toute le liste
Des onguents avec de la menthe
Mais ne comprenait pas pourquoi
Ces pommades et baumes appliqués
Le mal n’en démordait pas
Et grattait son nez qui grattait

Et il grattait
Dessus dessous de chaque coté du nez
Chassant ce diable surgi du noir
Essayant même d’éternuer
Pour enfermer dans son mouchoir
La démangeaison capturée

Avant qu’la folie ne le gagne
Comme Ulysse au mât de misaine
Il trouva un mât de cocagne
Et s’y lia avec une chaîne
Mais là il fut pris de panique
La peine étant démesurée
Alors comme son ancêtre antique
Il se gratta avec le pied

Puis un jour il croise un ami
En le voyant désespéré
Celui-ci l’examine et dit
Tu as le nez bien abimé
Mais la chose est simple à piger
Quand tu ne contrôles plus tes doigts
Et quand tu te grattes le nez
C’est parce que quelqu’un pense à toi

Il comprit donc que c’était Claire
Qui dans ses rêves ravissants
Cherchait simplement à lui plaire
Comme rêve une femme de son galant
Et tout fut net en son esprit
Il se grattait parce qu’elle pensait
Comme il pensait à elle aussi
Ils étaient deux à se gratter.

(Haut de page)


Les pattes d’oie

 

Derrière le rideau de ta frange
On m’a dit de chercher par hasard
Si quelquefois si quelque-part
Je n’voyais pas une chose étrange
Qui m’attirerait le regard
Un croquis de cet acabit
Ne peut être cachet dans un pli
J’examine ton visage en ses quatre coins
Je dois bien avoir l’air d’un sot
Le scrutant du bas vers le haut
Il ne peut pas être bien loin
Je cherche le pas d’un oiseau

Derrière le rideau de ta frange
Pas le moindre dessin ravissant
Est-il petit, semble-t-il grand
Ces traces me paraissent étranges
C’est un mystère bien dérangeant
Un croquis de cet acabit
Ne peut être cachet dans un pli
Je suis las et ne trouve pas cette image
Je doit bien avoir l’air d’un sot
Ou l’allure d’un tout autre mot
Comme un corbeau sans son ramage
Je cherche le pas d’un oiseau

Comment ça quel oiseau
L’oiseau qui fait culbuto
Celui qui passe autour des yeux
Lorsque le soleil brille ou quand on devient vieux
Est-ce le canard avec ses pattes d’oie
Non non ce n’est pas lui
C’est l’oie

Derrière le rideau de ta frange
Le temps n’est pas encore parvenu
A imprimer à ton insu
L’ombre de cette chose étrange
Qui un jour piègera ma vue
Un croquis de cet acabit
Ne peut qu’être cachet dans un pli
Et pour l’instant les année nous flattent
Car nous ne sommes que de jeune sots
Nos yeux clos porteront bientôt
Des rayures en forme de pattes
Elles seront les pas d’un oiseau.

(Haut de page)

 



Göttingen

(Barbara)

 

Bien sûr ce n’est pas la Seine
Ce n’est pas le bois de Vincennes
Mais c’est bien joli tout de même
A Göttingen, à Göttingen

Pas de quais et pas de rengaines
Qui se lamentent et qui se traînent
Mais l’amour y fleurit quand même
A Göttingen, à Göttingen

Ils savent mieux que nous je pense
L’histoire de nos rois de France
Herman, Peter, Helga et Hans
A Göttingen
Et que personne ne s’offense
Mais las contes de notre enfance
Il était une fois commence
A Göttingen

Bien sûr nous nous avons la Seine
Et puis notre bois de Vincennes
Mais dieu que les roses sont belles
A Göttingen, à Göttingen

Nous, nous avons nos matins blêmes
Et l’âme grise de Verlaine
Eux c’est la mélancolie même
A Göttingen, à Göttingen

Quand ils ne savent rien nous dire
Ils reste là à nous sourire
Mais nous les comprenons quand même
Les enfants blonds de Göttingen

Et tant pis pour ceux qui s’étonnent
Et que les autres me pardonnent
Mais les enfants ce sont les même
A Paris ou à Göttingen

O Fêtes que jamais ne revienne

Le temps du sang et de la haine
Car il y a des gens que j’aime
A Göttingen, à Göttingen

Et lorsque sonnerait l’alarme
S’il fallait reprendre les armes
Mon cœur verserait une larme
Pour Göttingen, pour Göttingen

Mais c’est bien joli tout de même
A Göttingen, à Göttingen

(Haut de page)



L’homme fossile

 

V’la trois millions d’années
Que j’dormais dans la tourbe
Quand un méchant coup d’pioche
Me trancha net le col
Et me fit effectuer
Une gracieuse courbe
A la fin de laquelle
Je tombais dans l’formol

D’abord on a voulu
M’consolider la face
On se mit à brosser
Mâchoire et temporales
Suivit d’un shampoing au
Bichromate de potasse
Puis on noua une faveur
Autour d’mon pariétal

Du jour au lendemain
Je devins une vedette
Journaux télévisions
Y-en avait que pour moi
Tant et si bien du reste
Que les autres squelettes
Se voyant délaissés
Me battaient un peu froid

Enfin les scientifiques
Suivant coutumes et us
Voulant me baptiser
De par un nom latin
M’ont appelé
Pithécantropus érectus
Erectus ça m’va bien
Moi qui étais chaud lapin

Et ces messieurs savants
A bottines et pince nez
Sur le vu d’un p’tit os
Ou d’une près molaire
Comprirent que j’possédais
De sacrées facultés
Qui me différenciés
Des autres mammifères

Ils ont dis qu’j’étais
Un virtuose du gourdin
Qui assommait bisons
Aurochs et bonne fortune
Que j’étais drôlement doué
Pour les petits dessins
De Venus Callipyge
Aux tétons comme la lune

Ils ont dit que j’vivais
Jadis dans une grotte
Ils ont dit tellement de choses
Tellement de trucs curieux
Qu’j’étais couvert de poils
Que j’avais pas d’culotes
Alors que j’habitais
Un pavillon d’banlieu

J’étais comme tout le monde
Pétrit de bonnes manières
Tous les dimanches matin
Je jouais au tiercé
Je portais des cols durs
Et des bandages herniaires
C’était avant la guerre
Avant qu’tout ai sauté

C’était voilà maint’nant
Y’à trois millions d’années

Vous n’avez rien à craindre
Y-à plus de retombées

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Chanson à la gloire des bistrots en face des églises

 

Pieds de plombs et mains dans les poches
En ce matin dominical
C’est les pieds au fond des galoches
Que Guillaume suit tant bien que mal
La masse guidée par les cloches

Père jacques sonne les matines
Dans le clocher de St Machin
Réveillant anges à l’oui fine
Qui se chargent du sacristain
Et de ses aides enfantines

Suit ton chemin brave Guillaume
Comme le leur suivent tes prochains
Même si eux lèvent la paume
De leurs mains vers Dieux et ses saints
Suit ton chemin brave Guillaume
Tous les dimanches et autres Saint Glinglin

Face au parvis de Saint Machin
Enraciné par les talons
Guillaume cherche à franchir en vain
Le haut porche de la maison
Où un bedeau lui tend la main
Mais rien n’y fait et il pivote
Et snobant la main de bedeau
Dédaignant bigots et bigotes
Il pénètre dans un bistrot
A l’abri du cri des dévotes

Mécréant
T’iras jamais au Paradis
Lui assènent cinq ou six mégères
Endimanchée de renard gris
Mais son bistrot s’appèle Saint Pierre
N’est-ce donc pas un raccourci
Ou même un Paradis sur terre ?

Suit ton chemin brave Guillaume
Comme le leur suivent tes prochains
Même si eux lèvent la paume
De leurs mains vers Dieux et ses saints
Suit ton chemin brave Guillaume
Tous les dimanches et autres Saint Glinglin

Une heure plus tard fin de l’office
Les mégères protègent leur col
D’un vent froid en plein sacrifice
Qui vient terminer son envole
Sous leurs jupes entre leurs deux cuisses

Guillaume sort sur l’autre trottoir
Mais le frisson ne l’atteint guère
Il a l’âme chaude de l’espoir
Comme s’il avait dit une prière
En se versant un verre à boire

Suit ton chemin brave Guillaume
Comme le leur suivent tes prochains
Même si eux lèvent la paume
De leurs mains vers Dieux et ses saints
Suit ton chemin brave Guillaume
Tous les dimanches et autres Saint Glinglin

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N’ayez crainte mesdames

 

J’ai pris les yeux dans le filet
De la voilette d’une dame
Qui ainsi s’était attifée
Pour cacher à nos yeux son charme

Craindriez-vous que l’on recueille
En l’absence de votre résille
Le regard tendre d’un chevreuil
Ou d’une biche aux yeux qui brillent

« J’ai une coquetterie dans l’œil
Le gauche ou le droit je n’sais plus
Quand l’un regarde le chevreuil
Alors l’autre ne le voit plus »

Mais que me chantez-vous donc là
Dégagez plutôt ce visage
Et si vos deux yeux n’me voient pas
Moi je vous verrai d’avantage

Allons n’ayez crainte je vous le dis
Les hommes d’aujourd’hui sont des anges
C’est du moins ce que l’on me dit
Aux intimes moments étranges
Ou dans un souffle retenu
Des coquines heureuses de leur sort
Préfèrent bien être dévêtues

Je discutais de bon aloi
Du mystère du sexe des anges
Avec une beauté de roi
Plongée dans un mutisme étrange

Auriez-vous la langue coupée
Que vous changiez ce dialogue
En une briève aparté
Une tirade un monologue

« C’est à dire que j’ai quelque chose
Qui traverse dans la largeur
La bouche par laquelle je n’ose
Vous dire sans crainte mon bonheur »

Mais que me chantez-vous donc là
Dévoilez plutôt votre cœur
Si un cheveu descend si bas
Je l’enlèverais avec honneur

Alors n’ayez crainte je vous le dis
Les hommes d’aujourd’hui sont des anges
C’est du moins ce que l’on me dit
Aux intimes moments étranges
Ou dans un souffle retenu
Des coquines heureuses de leur sort
Préfèrent bien être dévêtues

Déambulant de-ci de-là
J’emboîtais le pas par hasard
D’une dame dans l’embarras
Qui fuyait le moindre regard

Auriez vous un vice caché
Qui froisse une si belle allure
Pour vous planquer sous vos effets
De vos cheveux à vos chaussures

« Je suis la plus belle des filles
Et plais aux hommes les plus beaux

Mais guère longtemps ils ne vacillent
C’est bien là mon moindre défaut »

Mais que me chantez-vous donc là
Défaites-vous de vos atours
Montrez-moi plutôt vos appâts
Le temps que je fasse ma cour

Allons n’ayez crainte je vous le dis
Les hommes d’aujourd’hui sont des anges
C’est du moins ce que l’on me dit
Aux intimes moments étranges
Ou dans un souffle retenu
Des coquines heureuses de leur sort
Préfèrent bien être dévêtues


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A l’ombre des arbres des villes

 

Fini le temps des escapades
Des matins jusqu’au crépuscules
Voici la fin des promenades
C’est mon esprit qui capitule
Et mon cœur qui bat la chamade

Au milieu des automobiles
J’irais où vont les autres gens
Et si mon pays m’obnubile
Je chercherais le rat des champs
Pour un temps chez celui des villes

Chercher quelqu’un n’est pas aisé
Surtout sans nom et sans visage
Mais peut-être que dans las cités
On n’procède pas comme au village
Pour rencontrer sa dulcinée

Au milieu des automobiles
Les gens ne suivent pas les gens
Cette entreprise est difficile
Je dois trouver le rat des champs
Pour un temps chez celui des villes

Ces deux rats là sont des froussards
Je les ai vus de mes yeux vus
Grelotter devant mon regard
Le regard d’un matou perdu

Ne craignez rien, n’ayez pas peur
Je ne suis qu’un chat campagnard
A la recherche de l’âme sœur
Une jolie chatte aux yeux noirs

Les deux rongeurs me laissant là
S’en sont allés patte dans patte
Car le rat des champs est un rat
Et le rat des villes une rate

Assis sur le toit des maisons
Sur le châssis d’une fenêtre
Ou sur les fientes de pigeons
Je suis le programme à la lettre
Celui de mes occupations

Au milieu des automobiles
Au travers des jambes des gens
J’attends de voir passer l’idylle
Comme l’avait fait le rat des champs
Quand il cherchait celui des villes
J’attends de voir passer l’idylle
Comme l’avait fait le rat des champs
Quand il cherchait celui des villes

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Les chansons à la con

Mais où sont les belles phrases,
Sous un poids qui écrase,
Par ces mots qui accrochent
Les tympans loins et proches ?

Quels esprits sans scrupules,
De ceux qui affabulent,
Osent les inventer
Pour pouvoir les chanter?

La rime un peu facile
Le vers un peu léger,
Comment suivre le fil
Ou entendre qu'il y en ait ?

Un peu vert nous sommes
Lorsque nous entendons
Les paroles à la gomme
D'une chanson à la con.

Comme un truc avachi
Des paroles sans rêverie
On aligne sans rien
Des couplets, des refrains

Les belles lignes disparaissent
Pour peu qu'on les délaisse
Elles s'échappent pour souffler
Aux auteurs d'y penser

La rime un peu facile
Le vers un peu léger
Comment suivre le fil
Ou entendre qu'il y en ait ?

Un peu rouge nous sommes
Lorsque nous entendons
Les paroles à la gomme
D'une chanson à la con.

Les chansons à la con
Ne le sont pas vraiment,
Puisqu'elles sont des chansons
Mais quand même,…enfin bon !

Il nous reste les purs,
A crocs, tenaces et sûrs
Employant les grands mots
Et rendant l'instant beau.

Pourront?ils essayer ?
Voudront?ils écouter,
Chanter, danser ou rire
Les phrases qu'on admire ?

La rime un peu facile
Le vers un peu léger
Comment suivre le fil
Ou entendre qu'il y en ait ?

Un peu pâles nous sommes
Lorsque nous entendons
Les paroles à la gomme
D'une chanson à la con.

Un peu bêtes nous sommes
Lorsque nous entendons

Les paroles à la gomme
D'une chanson à la con.

Lorsque nous écoutons
Les paroles à la gomme
D'une chanson à la con.

(Haut de page)


 

Le long de l'autoroute A1


Aujourd'hui le jour du grand jour
D'ici peu je serai parti
Pour m'élancer sur le parcours
Celui du Nord jusqu'à Paris
Et là d'aller voir mon amour

La clé de contact est tournée
Mon pied fait rugir le moteur,
Le frein à main est desserré
A fond sur l'accélérateur
Ça y est la bagnole est lancée.

Enfin on sort de l'embranchement
De l'autoroute de Tourcoing?Gand,
Un moment où j'ai l'air heureux
L'esprit en fête le coeur joyeux
Quand la caisse roule bon train
Le long de l'autoroute AI.

Attention voilà un chauffard
Mais que fait?il il'm'fonce dedans,
Faudrait lui mettre des coups d'panard
Un dans l'tibia, l'autre dans les dents
Mais il a d'la chance le v'la qui r'part

Je crois que j'l'ai échappé belle
Au quart de s'condé c'était moins une,
C'était comme dans l'trophée Camel
Quand le 4x4 vole dans les plumes
J'pouvais dire salut à ma belle.

Me v'la au péage de Senlis
Là où l'on paye et où l'on pisse,
Moment où j'ai J'air moins heureux
L'esprit moins fête et moins joyeux
Mais la caisse repart bon train
Le long de l'autoroute Al.

Enfin c'est la dernière ligne droite
Y'a plus qu'le périph' à passer,
Pour que l'histoire soit dans la boîte
Votre serviteur pouponné
Et choyé comme un coq en pâte.

Le calme des embouteillages
La sainte odeur de l'échappement,
Il faut qu'je sorte de ce sillage
Pour éviter d'clev'nir méchant
Un peu comme un vieil enfant sage.

Paris sur le Boulevard Voltaire
C'est là qu'il faudrait voir mon air,
Un moment où j'ai l'air heureux
L'esprit en fête le coeur joyeux
Quand je suis soulagé enfin
Sorti de l'autoroute Al.

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Du pain, du vin, etc...

Une bouteille et ses étoiles,
Celle d'un mélange communautaire,
D'un vin qui tâche et qui rend pâle
Si l'on vide trop vite son verre.

Alors je m'évade et je pense
Que les bons vins ont de la chance...

Dans l'étal, dans l'étal d'un vieux marchand d'vin,
Je goûte les flacons pour les boire,
Des bordeaux aux petits pinards,
Et je rêve que je vends du pain
En vain, en vain ...

Au centre de cette mie molle,
Emplastiqué, encamionné,
Le pain ne suit plus les paroles
D'un hiver télévisé.

Alors je m'évade et je pense,
Les maîtres du pain sont en chance ...

Dans l'étal, dans l'étal d'un vieux marchand d'pain,
Je croque les faluches et les miches,
Rompant fastoche en hémistiches,
Et je rêve que je vends du vin
En vain, en vain .

Sage couleur de la pureté,
Fil coulant de pis en pis
Le fluide veut changer de vie
Le fromage cesse d'être lait.

Alors je m'évade et je pense
La Normondie a de la chance ...

Dans l'étal, entre ceux du pain et du vin,
J'hume à m'en coller les narines
L'oeil d'un fromage aux herbes fines,
Et en rêve je vends du boursin
En vain, en vain ...

(Haut de page)


 

Songes

 

Dans les songes d'une nuit d'Hiver,
Une de ces nuits chaudes et sincères,
Enlassé pour la première fois
Dans une toile où j'étais la proie,
La proie du charme et des baisers
De celle que jamais je n'quitterai.

Dans les songes d'une nuit de Printemps,
Une nuit où traîne le temps,
Blotti contre mon oreiller
Perdu tout seul dans mes pensées,
Je meurs de ne pas pouvoir vivre
Son corps et ses mains qui m'enivrent.

Séparé à nouveau
Comme à l'accoutumée
Comme on est séparé lorsque l'on perd les sens,
La faculté de voir, de sentir de toucher
Toutes ces émotions qui meurent en nos absences
Seule une [arme coule lentement sur ta joue
Elle glisse elle roule cherchant à s'évader
Et ainsi réveiller par l'effet de son goût
Le goût de l'amertume lorsqu'elle est avalée.

Dans les songes d'une nuit d'Eté,
Une de ces nuits désarmées,
Réfugié au coeur de ma belle Sur cette toile conçue par elle,
Heureux de pouvoir me nourrir
De ses yeux comme de son sourire.

Dans les songes d'une nuit d'Automne,
Une nuit où l'on frissonne,
Epleuré dans les bras de rien
Quand ma main ne touche que ma main.
Je n'voudrais plus vivre qu'un instant
Celui où nous étions présents.

Et maintenant tu pleures
Moi, j'en suis tout ému
De sentir qu'en ces heures ton âme est mise à nu

Alors je m'autorise
A penser sans détour
Que cette jolie crise reflète de l'amour.


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Le retour des amoureux

 

 

Marie-Simone la p'tite bien sage
Fille du boucher de son état
Étalait dans le voisinage
Son amourette pour un malfrat.

Bravant la colère de son père
Qui contre cet amour stoïque
Les envoya droit en enfer
Ou sur les bords d'un banc public.

Refrain

C'est ainsi que ceux qui naguère
Qui drainaient en l'endroit précis
Les filles et hommes de la terre
Pour les faire s'asseoir ici
Ont repris leur service d'antan
Pour protéger les sales gens.
Le malfrat s'appelait Gaston
Lui disait qu'il était poète,
Et voulait écrire des chansons
Mais elles n'lui passaient par la tête.
Lui aussi aimait Ici Simone
Et voulait dev'nir son amant
Il invita donc la friponne
Sur le Vert du bois d'un banc.

Refrain

Face aux remarques réfléchies
D'une bonne partie de leurs conjoints
Et craignant leur honneur flétri
Ils décidèrent de fuir très loin.
Cherchant du travail dans l'commerce
Essayant quelques guet?apens
Au moment où venait l'averse
Ils se retrouvaient sous un banc.

Refrain

Repoussés par tous les braves gens
Errant un peu comme Gavroche
Ils vécurent leur vie en amant
Certes, mais sans un sous en poche.
Et au moment où vient le soir
Juste pour un amour unique,
S'étendent le long du trottoir
Où sur les planches d'un banc public.

Refrain

Ont repris leur service d'antan
Pour protéger les sales gens.

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Les champignons de Paris

 

Hé, dis monsieur
Qu'y m'dit l'enfant à ses six ans,
Ils ont des champs, les Parisiens ?
J'ai vu l'aut'jour
Dans un magasin de grands
Des boites en fer, des champignons dedans

On dit qu'ils poussent en d'sous d'la tour Eiffel
D'un champ de Mars à un truc qui a des ronds,
Mais j'ai jamais vu là un fermier et sa pelle
Arracher en suant des petits dômes blonds.

Ah ! Mais t'es bête ou quoi ?
C'est pas à Paris qu'on fait ça,
Et c'est pas là qu'on le fera,
Les champignons, ça pousse en cage
Abrités de l'air et du vent,
Pas sur l'herbe et pas sur la plage,
Ils y perdraient là tout leur temps.

Hé, dites?toi !
Qu'y'm'dit Vaut'jour un gars d'quinze ans,
Ils sont combien les parisiens ?
J'ai vu l'aut'jour
Dans une télé grand écran
Des gens dehors et d'autres gens dedans.

On dit qu'ils courent en d'sous d'la tour Eiffel
D'un champ de Mars à un truc qui a des ronds,
Mais j'ai jamais vu là des milliers de semelles
Piétiner en courant des petits dômes blonds.
Ah ! Mais t'es bête ou quoi ?
C'est pas à Paris qu'on fait ça,
Et c'est pas là qu'on le fera,
Les gens des villes, ils poussent en cage
A l'abri de l'air et du temps,
Si ils courraient tous sur la plage,
Ils prendraient la place du vent.

Hé, dis?moi mec !
Qu'y'm'dit un mec à vingt?deux ans,
Ils ont d'Vouvrage les Parisiens ?
J'ai vu l'aut'jour
Tout en liquidant le temps
Qu'c'est à Paris que les gens ont d'l'argent.

On dit qu'ils cherchent en d'sous d'la tour Eiffel
D'un champ de Mars à un truc qui a des ronds,
Mais j'ai jamais vu là , demandeurs éternels
Écraser en glandant des petits dômes blonds.

Ah ! Mais t'es bête ou quoi ?
C'est pas à Paris qu'on fait ça,
Et c'est pas là qu'on le fera,
Le boulot, ça pousse pas en cage,
Abrité de l'air et du vent,
Quand les places s'envolent sur la plage,
Pour les attraper faut être grand.

(Haut de page)



Rêverie

(Jacques Prévert)

Pauvre joueur de bilboquet
A quoi penses-tu?
Je pense aux filles au mille bouquets
Je pense aux filles au mille beaux culs.



Les Limaces Enlacées

 

Les dimanches de grasse matinée
Position du foetus je dors
Envoûté par ma bien?aimée
Quand je rêve que je dors encore.
Car enfin oui, je dors debout,
Ce matin là n'est pas pour nous,
La campagne et ses champignons
Combleront ma boîte en carton.

Ce sont deux limaces enlacées
Sur le chemin des étourneaux
Qui goûtent l'humide rosée
Le matin d'un automne beau.

Ce sont deux limaces enlacées
Avec leurs cousins escargots
Qui mangent les champignons frais
Si je n'me lève pas assez tôt.

Mon église sera la forêt,
Mon sermon le chant des oiseaux.
Je me confesse pour l'année
De ne pas aimer les bigots.
Et nous partons dans la nature
Cueillir la sauvage culture,
Dans la forêt de Fontainebleau
Avec ma boite et mon couteau.

Ce sont ces limaces enlacées
Sur le chemin des étourneaux
Qui goûtent l'humide rosée
Le matin d'un automne beau

Ce sont ces limaces enlacées
Avec leurs cousins escargots
Qui mangent les champignons frais
Si je n'arrive pas assez tôt.

Arrivé sur les lieux, je plonge
Le museau dans la mousse verte
Qui ne dégorge de son éponge
Plus aucun reste de ma perte.
Les gastéropodes sont là
Bouffant sous mes yeux à tout va
Le fruit de ma maigre récolte
Que du reste je n'aurai pas.

Ce sont ces limaces enlacées
Sur le chemin des étourneaux
Qui trop tôt se sont délacées
Dans ce matin c'automne beau.

Ce sont ces limaces enlacées
Avec leurs cousins escargots
Qui nous ont simplement laissé
Que trois bolets même pas beaux.

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Chanson pour ne rien dire

 

C'est un sentiment noble qui décolle
Quand on aime la vie frivole
Et pas celui de la fourmi
Lorsque les cigales nous prient.

Fragiles sont les pensées qui y sommeillent,
De l'aube d'un soir aux confins du réveil.
C'est de ce sentiment qui roule
Et de cette larme qui coule
Qu'on trouve que les colombes roucoulent.

Et tout à coup c'est la vie qui rigole
En nous faisant des cabrioles
Il vaut mieux ça que d'être seul
Ou d'écouter ce que l'on gueule.

Quand seul le bruit d'un souffle sifflé
Siffle souffler si l'on a pas joué.
C'est de ce bruit reconnaissable
Que l'on surprend une syllabe
A la dérive ou sur le sable.

Et pourquoi verrait?on la libellule
L'on sait très bien comme elle circule
Vacillant droit de temps en temps
Heurtant sa gauche aussi souvent.

Mais comment fait?elle pour rester agile
Parfois un peu comme une main d'argile
Qui glisse ses doigts sur les formes
En ne respectant plus les normes
Et expliquant ... que l'on est homme.

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Les joueurs de manille

 

Pieux mensonge qui te dévore
Pour embellir notre bien?être,
Tu changes notre plomb en or
En espérant nous faire admettre.
C'est pour faire croire à du courage
Ou pour faire fi de l'avenir
Mais on peut lire sur ton visage
Qu'il y a deux F à souffrir.

Tu ne nous dis plus rien, bavard,
C'est avec Claire que tu vas
Vous remercierez le hasard
De vous accouder sous nos pas.
Ensemble vous pourrez jouer
Aux cartes, au jeu de la manille,
Pour vous qui n'y jouez jamais
Ce sera une scène tranquille.

En attendant repose?toi
Ou fais semblant d'être assoupi
Et écoute une dernière fois
Les paroles vides de la vie.
Certains nous disent que tu es beau
Masqué par ce vrai faux sourire,
On ne sait jamais assez tôt
Qu'il n'y a qu'un air à Mourir.


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Le phare des Baleines

 

J'ai buté l'oeil contre la surface de la mer,
Sur un bateau en bois, visionnant du port la terre.
J'ai buté l’oeil contre la surface de la mer.
Ma vue voguait vers l'avant,
Comme souvent vont les vues quand le vent entreprend
Par des manoeuvres habiles d'attirer vos oreilles
Pour faire entendre aux yeux les sons qu'il nous éveille.

"Clapotez", faisait le son que je voyais
Sur la vieille coque en bois que des arbres avaient fait,
Le son d'une eau qui venait de plus loin,
Une île, île où mon oeil avait buté le coin.

Foulant du pied la surface d'une terre émergée,
Imitant la boussole mes jambes au Nord furent attirées
Foulant du pied la surface d'une terre émergée,
Mes pas me portaient patiemment,
Mais pourtant pour pouvoir me placer face au vent,
Par des manoeuvres habiles, je pivotais pareil
Aux pivots d'un navire, quand Eole appareille.

"Avancez", disait le vent que j'entendais,
Approchez?vous encore du barrage qu'il me fait.
Alors vous ferez face à ce monument grand,
Devant, devant l'organe de cet océan.

J'étais coincé contre l'éperon de cette terre,
Emprisonné dans l'ombre où les vents se rendent désert.
J'étais coincé contre l'éperon de cette terre,
Bras ballants de balbutiements,
Balbutiant bizarrement des bidules élégants,
Pour pénétrer la chair de cette tour ronde
Colimaçant des marches, en dépassant le monde.

"Encerclez", chantait son coeur qui montait,
Prenez de la hauteur, le temps y sera gai
Et là vous sentirez le souffle dans vos veines
En haut, sur la couronne du Phare des Baleines.

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La boule du Quidam

 

J'ai failli faire mon régiment
Comme le quidam de la rue Popinclut,
Avec lequel j'aurais ri à pleines dents
En regardant nos têtes où deux trois poils en lutte
Auraient refusé pour un temps
De rester beaux et élégants

C'est la fierté de mon visage
D'avoir une tête ronde à souhait,
Il eût été vraiment dommage
Que l'on eût dû l'écheveler.

J'ai choisi le camp des oiseaux,
C'était aisé d'éviter les erreurs
En optant pour le parti des roseaux,
Qui eux sont assez longs pour saluer le bonheur,
Pas comme les tifs coupés ras
Sortant d'un merlan de soldat.

Il eût été vraiment dommage
D'avoir une tête ronde à souhait,
Qui aurait gâché mon visage
Si on l'avait échevelée.

De leur longueur j'en fais le choix
Et s'il me plait d'admirer mon sommet,
Le caressant du bout de mes dix doigts,
J'interdis qu'on l'ampute avec autorité,
J'aurais la tête d'un troufion
Quand j'en prendrai la décision.

Car il ne sera pas dommage
De voir ma tête ronde à souhait
Et la fierté de mon visage
Quand je voudrai m'écheveler.

Alors je regard'rai mon crâne
Et je rirai à pleines dents,
Comme l'aurait fait ce quidam
Si j'avais fait mon régiment

(Haut de page)

 



Le temps des Cerises

(J.B.Clément ; J.Renard)

 

Quand nous chanterons le temps des cerises
Et gais rossignols
Et merles moqueurs
Seront tous en fête
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur
Quand nous chanterons le temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur


Mais il est bien court le temps des cerises
Où l'on s'en va deux
Cueillir en rêvant
Des pendants d'oreilles
Cerises d'amour aux robes pareilles
Tombant sous la feuiIle en gouttes de sang
Mais il est bien court le temps des cerises
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant


Quand vous en serez au temps des cerises
Si vous avez peur
Des chagrins d'amour
Evitez les belles
Moi qui ne crains pas les peines cruelles
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour
Quand vous en serez au temps des cerises
Vous aurez aussi des chagrins d'amour


J'aimerai toujours le temps des cerises
C'est de ce temps?là
Que je garde au coeur
Une plaie ouverte
Et Dame Fortune, en m'étant offerte
Ne saura jamais calmer ma douleur
J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au coeur

(Haut de page)

 

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